De la célébrité au Bad buzz à la prison : « l’abus d’influence » des influenceurs

De la célébrité au Bad buzz à la prison : « l’abus d’influence » des influenceurs

Publicité mensongère et influenceurs : crédulité ou « abus d’influence » ?

Comme dit l’adage des temps modernes, « n’importe quelle publicité est une bonne publicité ». Or, si le Bad Buzz reste toujours un buzz, il peut quand même emmener en prison. C’est le cas du groupe de 4 jeunes influenceurs algériens qui risquent de subir les conséquences du buzz, d’aller en prison et de ternir, non seulement leur image, mais celle du domaine tout entier.

Loin de tout jugement subjectif à leur égard, les 4 jeunes influenceurs embarqués ou impliqués dans cette affaire risquent de croupir pendant au moins 10 ans en prison. L’on ne peut, en effet, ni affirmer ni infirmer s’ils étaient au courant de la magouille tissée par l’agence Future Gate qui s’est avérée au final fictive. L’affaire se trouve en justice, et c’est à elle seule d’en décider de leur culpabilité ou de proclamer leur innocence.

Aux derniers développements dans l’affaire, le juge instructeur près la Cour d’Alger a décidé de maintenir l’ensemble des mis en cause, au nombre de onze, en détention provisoire. Cette décision vient confirmer celle prononcée en première instance par le juge du tribunal de Dar El Beida à Alger. 3 autres accusés sont placés sous contrôle judiciaire, dont la mineure Inès Abdelli.

Dans l’attente du procès, les 4 jeunes influenceurs dont Numidia Lezoul, Rifka et Stanley, devront encore rester sous mandat de dépôt, passant ainsi du berceau de la célébrité au Bad Buzz puis aux affres de la prison. Ce retournement de situation soulève déjà moult interrogations. Le centre du questionnement étant ; Comment ont-ils pu arriver là ?
Qui sont ces influenceurs ?

Avant d’avancer vers d’autres point, il convient de faire un bref aperçu sur le profil de l’un de ces influenceurs. Née le 20 janvier 1996 à Bouira, la jeune Numidia Lezoul a connu ses premiers pas dans la célébrité grâce à l’émission musicale de la Télévision nationale Alhan wa Chabab. Très vite, elle a percé dans la chanson, le cinéma, la télévision et les réseaux sociaux avec plus six millions d’abonnés sur sa page Instagram.
L’on se souviendra certainement du noble geste qu’elle avait fait lors de la crise sanitaire due au manque de l’oxygène médical lors de la 3e vague meurtrière du coronavirus l’été 2021, aggravée par les derniers feux de forêts.

Toutefois, la campagne de collecte de dons pour l’acquisition de générateurs et des denrées et médicaments aux victimes des incendies, qu’elle avait faite a failli tourner à l’arnaque, suite à un « malentendu » avec un de ses contactes.

Sortie indemne de cet épisode, en menant à terme son geste (en tout cas selon ce qu’elle a avancé), l’influenceuse a tout de même fait parlé d’elle à l’époque. Si cela veut dire quelque chose, c’est qu’elle avance dans ce domaine les yeux rivés sur l’objectif, sans se soucier des détails du parcours qui peuvent être fatals, comme d’ailleurs c’est le cas dans l’actuelle affaire. Or, aussi naïve et crédule soit-elle, sa responsabilité est tout à fait plausible, d’autant plus que la loi ne protège pas l’ignorant.

Publicité mensongère et souci du buzz et du gain facile

Publicité mensongère, mancipation, … tous les moyens sont bons pour se faire de l’argent facilement ou de faire le buzz, ce qui encourage les annonceurs à faire appels aux services de ces acteurs.
Par définition une publicité mensongère est, en langage courant comme son nom le laisse supposer, une publicité contenant des éléments faux, ou conçus pour induire en erreur.
Alors que le domaine de « l’influenceur » sur les réseaux sociaux connait tout juste son essor en Algérie, voilà que cette affaire vient y laisser une tache indélébile sur son parcours à peine entamé. En tout cas, cela va sans doute servir de leçon aux futurs postulants dans ce domaine, qui devront désormais réfléchir deux fois avant de se lancer dans une publicité qui pourra s’avérer mensongère.

De surcroît, cela suscitera davantage de méfiance, a la fois auprès du public et des annonceurs. Cela a également levé le voile sur la publicité mensongère menée explicitement à des fins trompeuses, qui vient d’ailleurs coûter des sommes colossales aux 75 victimes de l’affaire Future Gate.

Des influenceurs influencés ? la magie s’est-elle retournée contre le magicien ?

L’autre question qui reste en suspens est de savoir le degré d’implication et de responsabilité de ces jeunes dans la magouille tissée par l’agence Future Gate. Du point de vue juridique, malgré que ce point fait cruellement défaut, « l’auteur principal du délit et le complice sont au même pied d’égalité ». Or, cela pourrait-il s’appliquer sur le monde des influenceurs ?

Une chose est sure, « sur le plan juridique, il y a un vide qu’il faut absolument combler pour protéger ces personnes ». Cela devra également protéger « les influenceurs de bonne foi ». C’est ce qu’a déclaré dernièrement le spécialiste en droit pénal des affaires, le Pr Ali Mebroukine.
Si ce code sensé protéger la victime, sera également un rampera juridique pour l’influenceur lui-même, il saura également le punir dans le cas d’une publicité mensongère, au même titre que l’annonceur. Par conséquent, il a une responsabilité à part entière, d’autant que c’est lui la façade qui sert à convaincre et/ou tromper le client.

Or, savoir où mettre ses pieds n’est pas donné à n’importe qui, même à quelqu’un qui parvient à mobiliser des milliers de jeunes pour fêter son anniversaire à Maqam Echahid ou à une autre qui fait le buzz en berçant d’illusions une jeunesse avide d’ouverture avec une danse plus au moins osée.

Au final, l’on peut retenir que ces influenceurs sont influencés pour influencer une audience pour le moins influençable.
Autrement dit, la magie s’est bel et bien retournée sur le magicien, qui détient un pouvoir dont il ne sait ni l’usage, ni les répercussions, encore moins l’étendue des dégâts qu’il pourrait causer avec. Le tout couronné par une audience qui ne cesse de prouver qu’elle est facilement malléable à la merci du premier venu. Et qui est au bout des commandes ? des influenceurs influencés ! sacré cercle vicieux.

Chérif LAIB

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